Dysfonctionnement et déni de démocratie à la Sécurité Sociale des Artistes-Auteurs (ex Agessa)


Alors que la Délégation Générale de la Création Artistique (DGCA) du ministère
de la Culture se réjouit, dans son rapport d’activité 2023 tout juste publié, de la mise en place du conseil d’administration de la Sécurité sociale des artistes-auteurs, qui constitue, selon elle, « une réelle avancée en termes de structuration du dialogue social, permettant ainsi aux artistes-auteurs de prendre part pleinement au bon fonctionnement de la protection sociale dont ils bénéficient » (page 32), une mise au point s’impose.

QU’EST-CE QUE LA 2S2A ?

Antérieurement, les artistes-auteur·ices disposaient de deux organismes agréés
pour leur sécurité sociale, les associations AGESSA et MDA (Maison des Artistes).

La MDA était en charge des artistes-auteur·ices des « oeuvres graphiques
et plastiques », cependant que l’AGESSA était en charge des artistes-auteur·ices des « œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, ainsi que photographiques ».

Le 1er décembre 2022, les ministères de la Culture et de la Santé ont retiré
son agrément à la MDA et ont agréé comme unique organisme de sécurité sociale des artistes-auteur·ices, la 2S2A (la Sécurité Sociale des Artiste-Auteurs) qu’ils ont présentée publiquement comme un « nouvel organisme » issu du
« rapprochement de l’AGESSA et de la MDA », sous couvert que la 2S2A est désormais en charge de tous les artiste-auteur·ices, y compris celles et ceux des arts visuels qui relevaient de la MDA.

En réalité, aucun « nouvel organisme » n’a été créé, la 2S2A est simplement
le nouveau nom déclaré officiellement par l’AGESSA le 18 février 2021.

DES DÉCISIONS POLITIQUES INCOMPRÉHENSIBLES

Depuis sa création en 1975, l’AGESSA alias la 2S2A a violé le code de la sécurité sociale au détriment des artistes-auteur·ices, notamment en ne respectant pas leur droit à la retraite depuis plus de 40 ans.

Parfaitement informés de ces graves dysfonctionnements, les ministères de tutelle
ont pourtant décidé d’agréer cette association plutôt qu’un nouvel organisme, approprié et sans passif, comme le préconisent les divers rapports remis au gouvernement.

La décision politique de ne pas créer de nouvel organisme social pour les artistes auteur·ices, fait suite à une autre décision unilatérale du gouvernement : la suppression des élections par les artistes-auteur·ices de leurs représentant·es au sein du conseil d’administration de leur organisme de protection sociale.

UN DÉNI DE DÉMOCRATIE

Pour mémoire, la MDA et l’AGESSA étaient privées de conseil d’administration
depuis 2014.

L’agrément de la 2S2A (alias l’AGESSA) et la composition de son conseil
d’administration sans élection par arrêtés interministériels en date du 1er décembre 2022 constituent un grave déni de démocratie qui n’est pas sans conséquence dans le fonctionnement du CA de la 2S2A.

DES STATUTS TRÈS PROBLÉMATIQUES

Les statuts de l’association 2S2A, actuellement en vigueur, ont été établis lors
de l’assemblée générale du 5 septembre 2022. Cette AG était composée des
8 « membres fondateurs et actifs » de l’AGESSA : SGDL, SACD, SACEM, SNE, UPC,
Radio France, SNAC et UPP.

Ces statuts, imposés aux membres du conseil d’administration, posent divers
problèmes dont les plus criants sont notamment le caractère absurdement bicéphale de la gouvernance (la 2S2A est statutairement dotée de deux instances de gouvernance) ainsi que l’attribution des pleins pouvoirs au président du conseil d’administration.

En vertu du code de la sécurité sociale, le conseil d’administration de la 2S2A
« règle par ses délibérations les affaires de l’organisme ». Il est légalement en charge de la mission de service public relative à la protection sociale des
artistes-auteur·ices.

Aucun·e autre président·e de conseil d’administration d’un organisme de sécurité
sociale n’est « investi des pouvoirs les plus étendus pour agir, en toute circonstance » au nom de l’organisme (article 14 des statuts de la 2S2A).

L’organe décisionnaire d’un organisme agréé par la sécurité sociale est le
conseil d’administration lui-même, il est supposé fonctionner démocratiquement.

DES DYSFONCTIONNEMENTS RÉCURRENTS AU SEIN DE LA 2S2A

Les membres du conseil d’administration de la 2S2A sont sous-informé·es et réduit·es à l’impuissance. Leurs propositions ne sont ni sollicitées, ni écoutées. Iels ne sont donc pas en mesure de remplir leur mission de service public au bénéfice des artistes-auteur·ices.

De fait, deux ans après l’arrêté de composition du CA, aucune mesure d’amélioration pour les artistes-auteurs et autrices n’a été proposée, ni votée par le CA, et ce, malgré des propositions de certain·es administrateur·ices, car ces propositions ne sont pas prises en compte : elles ne sont pas examinées par le CA, faute d’être mises à l’ordre du jour.

LA 2S2A AGIT EN JUSTICE CONTRE LES INTÉRÊTS DES ARTISTES-AUTEUR·ICES !

La 2S2A agit en justice sans consultation du CA et contre des artistes-auteur·ices
ex-assujetti·es de l’AGESSA qui demandent réparation des préjudices subis en raison des pratiques illégales de l’AGESSA, notamment en matière de retraite.

Dans ces contentieux, la 2S2A (alias l’AGESSA) nie devant les juges les fautes graves qu’elle a commises et soutient que la circulaire de rachat des cotisations prescrites règle le problème, alors que cette circulaire ne répare pas le dommage : elle met à la charge des victimes les préjudices causés par l’AGESSA.

Le directeur, qui a été limogé le 4 juin 2024, avait pourtant reconnu publiquement
le 30 janvier 2020 que « l’AGESSA n’avait pas fait son travail pendant une quarantaine d’années ».

Nous, organisations signataires, sommes extrêmement choquées que notre
organisme de protection sociale ne cesse de dysfonctionner et d’agir contre les intérêts des artistes-auteur·ices.

Nous estimons indécent que l’AGESSA argue en justice ne pas être responsable
des dommages qu’elle a incontestablement causés pendant des décennies aux
artistes-auteur·ices ex-assujetti·es.

NOS DEMANDES EXPRESSES

Par la présente, nous demandons que soient immédiatement suspendus les recours formés par la 2S2A contre les décisions de justice favorables aux artistes-auteur·ices, et que désormais la 2S2A (alias l’AGESSA) reconnaisse systématiquement ses torts en justice et en paye les conséquences.

Nous demandons que les pouvoirs publics mettent en place un dispositif qui
permette une véritable réparation des dommages causés par la 2S2A (alias l’AGESSA) aux artistes-auteur·ices.

Nous demandons que cessent les multiples dysfonctionnements observés au sein
du CA de la 2S2A et qu’un fonctionnement démocratique soit rétabli de toute urgence.

Enfin, nous demandons la mise en place d’élections professionnelles pour donner
une légitimité démocratique aux organisations qui y siègent.

Signataires :

AdaBD association des Auteurs de Bande Dessinée

UNPI, Union Nationale des Peintres-Illustrateurs

AFD Alliance France Design

ATAA, Association des Traducteurs Adaptateurs de l’Audiovisuel

Backstory l’Association du Master Scénario Université Paris Nanterre

CAAP Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et autrices

Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse

Charte des Illustrateur-ices Ludiques (CIL)

Etats généraux de la Bande-Dessinée

Fédération CGT du Spectacle, de l’Audiovisuel, du Cinéma, des Arts,
de l’Information et de l’Action Culturelle

Ligue des auteurs professionnels

SAJ Société des Auteurs de Jeux

SRF, Société des réalisatrices et réalisateurs de films

Source Aux Auteurs, association

SELF, Syndicat des Écrivains de Langue Française

SMC, Syndicat français des compositrices et compositeurs de musique contemporaine

SNAA-FO, Syndicat National des Artistes Auteurs FO

SNAP CGT, Syndicat National des Artistes Plasticien·nes CGT

SNP, Syndicat National des Photographes

SDS, Syndicat des Scénaristes

SNSP, Syndicat National des sculpteurs et plasticiens

STAA CNT-SO, Syndicat des Travailleur·euses Artistes-Auteur·ices CNT-SO


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